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DEDICACESSEN
25 février 2008

[Mangez-moi mangez-moi]..........

cauchemar01ça m'apprendra à être tellement dans ce livre*, au propre comme au figuré.

J’ai dormi dans mon frigo ! La chose et son contenu habituels étaient-ils devenus géants ou avais-je rapetissé ? L'histoire ne le dit pas. Je languissais gentiment entre un yaourt au citron et une truite hagarde. Je crois bien que j'ai aperçu l’ombre fantomatique d’un bouquet de persil mais ne saurais le jurer, c'était peut-être de la coriandre ou les têtes échevelées de branches de cerfeuil en conciliabule. J’entendais la rumeur des clayettes du dessous, le camembert hurlait qu’il était fait comme un rat tandis que la mousse au chocolat en sursis de péremption, suppliait qu’on la consomme avant minuit. Au-dessus de moi, les fesses d’une barquette de foie de veau étaient seulement agitées du souffle régulier du sommeil, tandis que le dessous du verre de moutarde pétait des bulles de topaze vite évaporées. Les crevettes ronflaient puissamment dans leur assiette en pyrex et c’était douceur de voir leur orgiaque mêlée endormie ainsi, abrutie dépourvue de rêves. Symphonie dodécaphonique que les parfums mêlés de tous ces aliments, violons désaccordés que leurs bourdonnements mêlés au ronron du frigidaire, dans la nuit transparente. Oui, ce noir-là était translucide, percé de veilleuses vertes de salle de cinéma : "sortie de secours", "halte au feu", "merde à la police", "les oeufs et les laitages d’abord". Dans leur faible clarté, on apercevait les aliments et leur gigue de morts, ralentie comme un brouillard.

cauchemar02Il n’y a que moi qui étais parfaitement immobile, ficelée que j’étais en paupiette de veau. Rouée de coups, aplatie jusqu’à la finesse du papier, roulée cette fois délicatement sur moi-même puis ligotée serrée, je contenais, meurtrie et complice, le secret que des doigts sûrs m’avaient contrainte à garder, un enfant parfumé d’herbes mouillées, informe et patient, attendant en mon centre que l’on me tranche pour apparaître, tendre sous ma chair. J’en éprouvais de la résignation et du contentement, au milieu de cette nuit froide, j’attendais mon heure, sachant qu’avant d’être mordue, moulue, avalée, il me faudrait connaître le feu. Tout était décidément en place dans ma tête engourdie de paupiette, sans plus d'énergie pour de la peur ou des regrets je n’avais même pas à fermer les paupières pour me reposer enfin. Au milieu des autres condamnés, l'indolence me gagnait.

* mangezmoi ... Ici, la recette dédiée à Agnès Desarthe et à mes cauchemars

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Commentaires
P
Ah ce que j'aime ta façon d'écrire, cela se confirme une fois de plus! Par contre, pour peindre ton rêve, il faudra qu'ils s'y mettent au moins à deux, Jerôme Bosch (oui j'ai pensé tout de suite à lui, aussi bien côté enfer que délices), et Arcimboldo (OK, c'est un peu facile ;-)).
T
Ce sera encore plus comme une petite musique qui reste en tête...
M
Maintenant je vais regarder autrement le contenu de mon frigo...
L
J'aime beaucoup la nourriture qui parle! Pas un anniversaire d'enfants sans les petits gâteaux au glaçage EAT ME d'Alice...
L
Oh merci de me rappeler de lire 'mangez-moi'! Comment ai-je pu oublier...<br /> Ta recette est si mignonne que je vais la noter de suite.<br /> Ciel, il s'en passe des choses dans ta tête, tu ne dois pas t'ennuyer une seconde... A te lire, moi non plus!
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  • Blog de cuisine et de petites histoire ; Le principe ? Tout un plat, toute une histoire... Quand l'inspiration est là, la recette est dédiée à un personnage de mes paysages réels ou rêvés : Vouivre, Hopper, San Antonio, André Breton, Maroc, Italie, enfanc
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